
Casa Refugio Citlatépetl, Mexico city, 8 mai 2008.

A Iris, muette messagère des dieux
ROUGE
“Autour de notre lit fleuri, aujourd'hui sans territoire, le temps coule pour moi comme de la lave en fusion. Une suspension toxique et voluptueuse, dans la précarité des commencements. Mon corps est aujourd'hui ce volcan grandiloquent où dansent, entremêlées, la fureur, la mélancolie, l'extase. Et les confusions capiteuses que je te prête, sans que je parvienne à rien comprendre, viennent attiser la fournaise, décupler la guerre romantique qui ne cesse de révolutionner mes cellules.”
Extérieur nuit. En imperméables et cagoules sans yeux, trois acteurs – Angeles, Paola et Juan – aléatoirement éclairés par les phares, les girophares, l’orage. Une scène s’improvise entre deux arbres, sur une contre-allée. Les invités sont placés de l’autre côté de la chaussée. Chacun leur tour, les acteurs traversent, lentement, hiératiquement. Ils marquent un temps avant et après chaque action, puis reviennent comme ils sont venus parmi les invités.
Désordre. Les arbres aimantent, les arbres révulsent, plantés comme la vie dans le coeur mécanique de la ville. Les corps, cachés, travestis, crient leur désir d’innocence là où tout est déjà corrompu.
- Juan se fige devant l’arbre de droite puis fouette la terre de son pied, trois fois, impérieux, éclatant et aveugle comme la foudre.
- Angeles, d’abord tendre, lascive, fusionnelle, enroule l’arbre de gauche de ses bras, puis le secoue, presque rageusement, la tête au ciel, comme prête à se laisser ensevelir sous toutes les pommes de l’arbre d’Eden.
- Paola se tient parallèle à l’arbre de droite, puis s’incline, tendue, musculeuse et stoïque, jusqu’à y appuyer sa tête. Elle caresse le tronc, de haut en bas, d’un geste prudent comme l’indifférence, mais qui peu à peu se crispe.
(Angeles défile de gauche à droite, à la lisière des invités.)

- Juan court, la panique appliquée, d’un arbre l’autre, trois fois.
(Paola marche de droite à gauche, etc…)
- Angeles s’offre rêveusement à l’arbre de droite : suspendue à la branche, des deux mains, puis d’une ; un temps, puis elle frappe l’arbre du pied, dure, sèche, fermée.
- Paola. Sauts. Elle paraît vouloir atteindre une branche, et balaie du bras le vide, trois, huit, treize fois, toujours plus énergique.
(Angeles et Juan se croisent devant les invités, mécaniques comme deux gardes anglais, puis s’avancent chacun vers un arbre.)

- Angeles s’accroche de tout son poids au pied de l’arbre de gauche, déterminée à l’arracher. Elle dérape, tombe, inflexible et farouche devant l’inévitable échec. Alors Juan se tient dos aux invités, raide et grave, le bras enroulé autour de son tronc, comme sur la taille d’une compagne.
Angeles enveloppe l’arbre un instant avec dévotion, puis s’en va. Juan, maintenant face aux invités, saisit son arbre d’une main, et tend l’autre, à l’horizontale, jusqu’à l’écartèlement, vers l’autre tronc.
- Paola, de dos, s’accroupit peu à peu, en automate, toute en muscle. Robot génuflecteur. Statique un moment, elle se redresse comme elle s’est abaissée.
(Juan défile de droite à gauche.)
- Angeles s’étend langoureusement sur l’arbre de gauche, comme sur un lit vertical. Elle s’y adosse ensuite, en équère. Juan vient s’y coller à son tour de l’autre côté. Paola appose sa tête sur l’arbre de droite, puis recouvre le tronc de tout son corps, athlétique et molle à la fois.

- Les trois acteurs se réunissent entre les deux arbres, face aux invités.
Angeles au centre, Juan passe à sa gauche, Paola à sa droite. Chacun déboutonne sa gabardine à son rythme, l’entr’ouvre, présente un morceau de son corps à la lueur des phares. Poses de malade mental, de pervers, de pin’up : exhibitionnistes d’hôpital, de rue, de magazine. Enfin et d’un coup, ils abandonnent leur chrysalide au sol, et courent droit devant pour fendre le cortège des invités jusqu’à la scène suivante.
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